René Descartes, philosophe et mathématicien du XVIIe siècle, a révolutionné la pensée occidentale en plaçant…
Histoire d’un concept: la laïcité
Afin de mieux nous remémorer l’héritage historique que représente l’avènement du concept de laïcité, il peut se révéler intéressant de nous pencher avec un peu plus de détails sur le cheminement d’une idée si Française.
Jusqu’à Philippe le Bel, le pouvoir religieux constitue un état dans l’état, possédant sa morale, son droit, et ses représentants. Le pouvoir est nécessairement partagé entre la souveraineté française du Prince, et la souveraineté romaine du Pape.
C’est précisément à cette dualité que va s’attaquer Philippe le Bel, afin de replacer le pouvoir divin sur terre dans les limites permises par son propre pouvoir. C’est en ce sens que l’on peut comprendre les grands actes qui marqueront son règne, de son conflit avec Boniface VIII à la nomination de Clément V, de sa tentative d’entrer dans l’ordre des templiers à la destruction de l’ordre du temple et l’appropriation de ses biens —et le grand-maître Jacques de Molay avait confusément senti cette farouche volonté d’affranchissement du roi, lui dont la célèbre et terrible malédiction invitait ce dernier à paraître au tribunal de Dieu1—. Dans cette distanciation, et cette implacable volonté de faire prévaloir son libre-arbitre et sa royale souveraineté sur le pouvoir spirituel que l’on définit par le nom de gallicanisme, repose en germe la séparation de l’église et de l’état, et la possibilité d’un état spirituellement « neutre » et donc libéré de toute contingence susceptible d’obérer ou d’influencer l’impartialité de son jugement. Bien plus c’est, et il ne faut pas s’y tromper, une formidable révolution. Car dans l’univers intellectuel du créationnisme biblique, la créature est nécessairement subordonnée au Créateur, et le droit divin prévaut sur le droit des hommes. Et voici que ce roi de France inverse de son propre chef l’ordonnancement des hiérarchies séculaires, s’émancipe du pouvoir divin, et le subordonne à sa propre volonté, dans l’intérêt supérieur de son royaume, pouvant être distinct de celui de la chrétienté dans son ensemble. Certes, il n’émancipe pas son peuple. Mais il s’émancipe lui-même de la représentation du pouvoir divin, et avec lui l’ensemble des monarques qui lui succèderont, et créée un précédent qui ouvrira un gouffre de perspectives philosophiques.
Si les rois de France seront toujours « très chrétiens », ils n’oublieront jamais par la suite —malgré ses conséquences tragiques— ce mouvement initial de différenciation et de subordination impulsé par Philippe le Bel, et cette état d’esprit singulier consistant à refuser farouchement de soumettre leur jugement et leurs actes à un pouvoir religieux qui ne serait pas inféodé à leur volonté propre —ou tout au moins lui serait second. C’est par exemple Charles VII publiant la « Pragmatique sanction de Bourges » de 1438, édit dirigé contre les papes. Plus tard en 1516 ce sera le Concordat qui partage le pouvoir de nomination des « princes de l’église » entre le roi et le pape. Richelieu, lui -même écclesiastique, mais se considérant avant tout comme homme d’état, consolidera le gallicanisme qui atteindra son apogée porté par les doctrines de Bossuet sous le roi soleil. Bossuet rédigea ainsi la déclaration du clergé de France de 1682, qui indique que le pape et l’église n’ont de pouvoir
« que sur les choses spirituelles et qui concernent le salut éternel, et non point sur les choses civiles et temporelles […]. Les rois et les souverains ne sont soumis dans les choses temporelles à aucune puissance ecclésiastique par l’ordre de Dieu. »
Progressivement les rois de France s’arrachent à la tutelle d’un pouvoir divin dont la représentation séculaire constitue une puissance étrangère à la France (la papauté), et subordonnent au sein de leur royaume le pouvoir spirituel à leur pouvoir temporel propre, tout en s’affranchissant du même coup eux-même du joug d’une autorité spirituelle qui leur était, en ce domaine, supérieure. Le monarque de droit divin disputait ainsi à la Rome des papes le pouvoir de chef spirituel et temporel de ses sujets.
Ce leg des rois de France a traversé le temps et les régimes, puisque loin de se perdre avec la tête de Louis XVI roulant dans le panier aux pieds du bourreau Sanson, il s’est transmis intact aux parlementaires révolutionnaires.
Avec le décret du 12 Juillet 1790 sur la constitution civile du clergé, l’église se trouve soumise au contrôle du nouveau souverain: le peuple, au travers de l’état. Y compris dans ses nominations et dans l’attribution des moyens nécessaires à sa subsistance après la saisie de ses biens. Au même moment, avec la nuit du 4 août et l’abolition des privilèges, le nouveau souverain subordonne à sa souveraineté les vestiges de la féodalité, y compris les bénéfices et privilèges religieux. Voici donc, en plein coeur d’une révolution en cours, que la doctrine du gallicanisme se voit perpétuée, renforcée, et poussée à l’extrême: le spirituel est soumis au temporel. L’Église se voit ainsi radicalement soumise au politique, dans un contexte où, contrairement à la monarchie qui garantissait et promeuvait la chrétienté, le nouveau pouvoir, façonné par les doctrines des lumières, lui est en partie hostile.
C’est dans ce contexte peu favorable au catholicisme qu’est promulguée le 26 août 1789 à l’article 10 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen la liberté de culte. Non la liberté de pratiquer la religion catholique. Mais la liberté de tous les cultes, sans distinction, et sans préséance, ce qui constitue un changement drastique de statut pour la religion alors ultra-majoritaire.
« Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. »
Peu après, le décret du 24 décembre 1789 renforce cette rupture et établit que les « non catholiques pourront être électeurs et éligibles aux conditions fixées, qu’ils sont capables de tous les emplois civils et militaires comme les autres citoyens. ». Cette émancipation vaut cependant uniquement pour les protestants, les juifs en étant initialement exclus, avant d’être réintégrés au terme d’une bataille législative par le décret du 27 septembre 1791.
Le sens singulier de la laïcité à la Française commence à prendre sa forme classique à ce moment, avec la célèbre déclaration de Clermont-Tonnerre (remarquable avocat de l’émancipation des Juifs): « Il faut refuser tout au Juifs comme nation, et accorder tout aux Juifs comme individus », puis un peu plus tard avec l’article 354 de la constitution de l’an III élaboré par la convention thermidorienne:
« Nul ne peut être empêché d’exercer, en se conformant aux lois, le culte qu’il a choisi. Nul ne peut être forcé de contribuer aux dépenses d’un culte. La République n’en salarie aucun. »
art. 354 constitution de l’an III
Article qui sera lui-même complété par le décret du 3 ventôse an III pris par le Directoire, et qui traite de l’application pratique du principe de neutralité dans l’espace public:
« Article 4 : Les cérémonies de tout culte sont interdites hors de l’enceinte choisie pour leur exercice.
Article 5: La loi ne reconnaît aucun ministre du culte. Nul ne peut ne peut paraître en public avec Les habits, ornements ou costumes affectés à des cérémonies religieuses.
Article 6: Tout rassemblement de citoyens pour l’exercice d’un culte quelconque est soumis à la surveillance des autorités constituées. Cette surveillance se renferme dans les mesures de police et de sûreté publique.
Article 7 : Aucun signe particulier à un culte ne peut être placé dans un lieu public ni extérieurement de quelque manière que ce soit. Aucune inscription ne peut désigner le lieu qui lui est affecté. Aucune proclamation ni convocation publique ne peut donc être faite pour y inviter les citoyens. »
Napoléon reviendra assez promptement sur les aspects les plus anticatholiques de ces mesures, en particulier sur la question de la rémunération des prêtres et de l’entretien des bâtiments religieux de chaque confession, au travers du système dit « concordataire » lequel présida aux relations entre l’église et l’état pendant un siècle, jusqu’en 1905, et qui fut suffisamment ferme sur le fond et souple sur la forme pour être bien accepté à la fois des représentants des religions, mais au delà par les fidèles eux-mêmes qui ne le jugèrent favorablement.
En 1801, Napoléon parvint donc à un accord, dit « Concordat », avec le Vatican2, et sur ce socle élabora un régime qui s’étendit aux cultes protestants (luthérien et calviniste), ainsi qu’à la religion judaïque, c’est à dire à l’ensemble des fois présentes sur le territoire national. Les autres cultes qui auraient pu se présenter se verraient tolérés, de la même manière que l’étaient l’indifférentisme ou l’athéisme. La religion catholique, si elle n’était plus l’unique religion reconnue, ni la religion d’état (elle le redevint en 1814 puis perdit de nouveau ce statut en 1830), bénéficiait du statut de religion de « la grande majorité des français ». L’État lui prêtait appui, nommait les évêques (auxquels le pape donnait ensuite l’institution canonique) qui prêtaient serment de fidélité au gouvernement. Les curés étaient à leur tour nommés par les évêques, et prêtaient également serment de fidélité à l’autorité civile. Le pape acceptait et légalisait l’aliénation des bien écclésiastiques confisqués par la Révolution, et le gouvernement versait un traitement aux évêques et curés à titre compensatoire. L’État autorisait en outre les fondations au bénéfice des Églises. Le régime subordonnait clairement l’autorité religieuse à l’autorité civile, mais en contrepartie reconnaissait officiellement les différents cultes, en conservant la préséance historique en faveur de la religion catholique en ce qui concernait le clergé, tout en établissant une égalité stricte de traitement entre chacun des croyants des différentes religions (citoyenneté, emplois, etc.). En pratique, les croyants étaient donc parfaitement égaux aux yeux de l’État, qui reconnaissait une prééminence liée à l’historicité à la religion catholique: la laïcité n’a, pour la plus longue partie de son histoire, jamais consisté en une égalité absolue de traitement entre les religions. L’autorité de l’État —lui-même agnostique—, surplombait quant à elle l’ensemble des religions.
Dans la France du XIXe siècle, et malgré l’égalité absolue de traitement individuel de chaque croyant quelle que soit sa foi, c’est justement la position privilégiée du catholicisme —en particulier dans l’enseignement— qui sera l’enjeu des nouvelles luttes de « laïcisation ». L’aplanissement des ultimes reliquats de prévalence de la religion catholique historique, sanctuarisée par le Concordat, eut ainsi lieu non sans heurts. Le Concordat étant finalement un compromis à mi-chemin entre la voie du sécularisme anglo-saxon et celle de ce que devint la laïcité à la française au terme des derniers combats du XIXe siècle et du début du vingtième. Or les problématiques qui ressurgissent de nos jours consistent à demander un retour vers une nouvelle voie concordataire —sur le modèle de moindre interventionnisme de l’État radicalement opposé au nôtre— dans laquelle l’égalité de traitement entre les religions pourrait se voir remettre en cause, cette fois non en faveur de la religion catholique, aujourd’hui peu revendicatrice, mais en faveur d’autres religions qui oeuvrent déjà en ce sens.
L’ultime étape de la laïcisation consiste en la finalisation de la désintrication de la Religion et des services publics, en particulier de l’éducation nationale. Car c’était en partie par ses oeuvres, et singulièrement par l’éducation, que se perpétuait le statut singulier du catholicisime. La loi de séparation des églises et de l’État de 1905 met un terme au régime concordataire (sauf dans les départements d’Alsace-Moselle, alors sous domination allemande). Elle dissocie définitivement la religion du pouvoir civil en abolissant le statut public des églises. La république met fin à la reconnaissance, à la rémunération et la subvention des cultes. Le budget des cultes est ainsi supprimé, le service des cultes disparaît, le chef de l’État plus les évêques. Les ultimes honneurs, préséances, et privilèges que conservait l’Église catholique sont abolis. La loi garantit la liberté de conscience et de culte, mais elle supprime les établissements publics du culte qui se voient remplacés par des associations cultuelles régies par la loi de 1901, mais soumises à des contraintes supplémentaires. La mainmise en étant donnée aux communes, ce que rejeta vigoureusement le pape Pie X en fustigeant la remise en cause du principe d’autorité dans l’église en confiant en quelque sorte le pouvoir à la base.
L’église refusa donc de constituer les associations cultuelles. Mais des mesures qui lui étaient plus favorables furent bientôt prises, suivant un mouvement de recul de la position rigoriste adoptée par la République. Le culte put, par une loi du 2 janvier 1907, être organisé non plus au moyen d’associations cultuelles, mais par le biais d’associations de droits communs (loi 1901) par des « réunions tenues sur initiative individuelle » —régime 1881—. Bien que le mot de « laïcité » en tant que tel ne soit pas utilisé (il est encore qualifié de néologisme par Fernand Buisson en 1911), le concept est imposé par la loi de 1905 au terme de ce qui fut la plus longue bataille parlementaire de toute notre Histoire.
Les décades qui suivent, sous l’impulsion de la première guerre mondiale, voient la reprise des relations (rompues) entre la République Française et le pape, et la définition d’un compromis en 1921 sous la fome d’associations diocésaines, au prix des récriminations de laïques considérant qu’il s’agissait d’un recul sur le principe de séparation, l’État acceptant de tenir compte de la « constitution » non démocratique de l’Église catholique. Ce compromis permit cependant une pacification des esprits, et le ralliement des catholiques à la République. Cette dernière, après avoir reconnu tous les cultes, n’en reconnaît donc aucun. Les Églises sont devenues des entités privées. La liberté de culte est garantie, mais ses manifestations publiques ne sont plus autorisées que sous une forme laïque: attribution de la police des cimetières aux maires, réglementation des sonneries de cloches, interdiction d’apposer des signes religieux sur les monuments publics, réglementation des processions, etc.
La Constitution de 1946 vient entériner les principes de neutralité de l’état et de laïcité dans son article 2:
« La France est une République […] laïque. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »
Alors que la laïcité instituée législativement en 1905 avait été le théâtre de violents combats rhétoriques, la constitutionnalisation de la laïcité en 1946 s’opère dans un climat relativement consensuel. Et ce, en grande partie du fait du changement radical de perspective de l’Église au sujet de la laïcité, vécue non plus comme une attaque directe qui serait portée à son intégrité, mais comme une protection, dans un contexte de déchristianisation et de violents assauts portées contre la religion, dans la mesure où la laïcité garantissait la neutralité de l’État vis-à-vis de la question cultuelle. On l’a vu, la laïcité consiste en un équilibre délicat entre la séparation de l’Église et de l’état (laïcité-séparation) et la liberté de culte (laïcité-neutralité). L’absence de définition légale de la laïcité (que ce soit dans les Constitutions de 1946 ou de 19583) ouvrait la possibilité d’un espace interprétatif permettant aux catholiques d’insister sur la composante de liberté religieuse, dans un contexte où par ailleurs l’athéisme officiel et les persécutions religieuses des régimes totalitaires communistes apportaient de solides arguments en faveur de la défense de cette vision. Ces régimes totalitaires4 constituant en quelque sorte la démonstration des effroyables conséquences d’une interprétation radicale de la laïcité qui serait séparation totale du spirituel et du temporel, et domination de l’athéisme. Soit la subversion totale du « compelle intrare5 » au bénéfice de l’athéisme: « forcez-les à ne plus croire ». La foi étant prise en tenailles entre l’athéisme radical et la technoscience, cette dernière permettant un contrôle beaucoup plus rationnel, plus complet et plus puissant de la société que n’importe quelle religion. Si bien que devant le péril mortel de l’athéisme totalitaire, l’Église catholique s’est accommodée des concessions qu’exigeait d’elle le principe de laïcité à la Française, et s’est même convertie au droit de l’homisme. Les droits de l’homme lui permettant de plaider en faveur d’un État neutre et du respect de toutes les croyances. Ce qui explique que les catholiques et les libres penseurs se soient retrouvés à lutter côte à côte, hier contre le totalitarisme athée communiste, aujourd’hui contre l’intégrisme religieux, lui qui exige que le consensus laïque français ne régresse vers une forme de confusion entre le politique et le religieux.
Il est piquant de noter ici que par une ironie propre à l’Histoire du monde, le concept de laïcité et son acceptation par la religion majeure de l’Histoire de France, le catholicisme, parviennent à leur apogée très exactement au moment où s’implantent dans une optique prosélyte de nouvelles religions. L’espace spirituel laissé vacant est l’un des grands enjeux de ce siècle, ce qu’André Malraux, avec la force prophétique qui le caractérise, n’avait pas manqué de relever en affirmant que le XXIe siècle serait spirituel. Ou ne serait pas.
De ce parcours historique brossé à gros traits, l’on infère que les seules questions qui puissent légitimement se poser sont les suivantes. D’abord, comment finement adapter le consensus laïque entre sa composante séparatiste —dont l’extrême est radicalement antireligieux— d’une part, et sa composante de respect des cultes de l’autre —dont l’extrême est le risque de résurgence d’une domination d’une religion, en fonction de ses caractéristiques propres, plus ou moins prosélytes, plus ou moins intolérantes aux autres—. La laïcité consistant à affranchir l’ensemble des citoyens des contraintes religieuses pour leur rendre la capacité de libre détermination de leur culte, et de libre arbitre dans le contexte des décisions démocratiques publiques, comme celui de leur vie privée, le péril repose pour les laïcs non pas dans les religions elles-mêmes qu’ils considèrent avec bienveillance, mais dans les intégrismes religieux, refusant par définition l’idée même de laïcité.
Ensuite, la singularité de la place du christianisme en France, justifiée à la fois par les 2000 ans d’Histoire6 qui ont précédé et par l’importance qu’elle prit également, à coeur comme à contrecoeur, dans la querelle de la laïcité. Si aujourd’hui d’autres religions apparues il y a 60 ans sur le territoire national revendiquent non seulement de créer de nouveau une échelle de valeurs entre religions, mais au-delà de s’y établir en tête en lieu et place du christianisme, la perspective historique délégitime d’emblée leur exigence. Les seules questions qui se posent concernent la religion catholique, d’ailleurs non pas dans sa dimension religieuse, mais dans sa dimension historique, culturelle, patrimoniale. C’est ainsi que, par exemple, lorsque d’autres religions revendiquent la construction (ou parfois la destruction ou la reconversion) d’édifices religieux en se comparant aux églises et cathédrales, il s’agit d’un sophisme. Ces bâtiments ne sont pas tant des marques d’une religiosité actuelle, que les vestiges d’un patrimoine commun. Les chinois n’ont pas jamais détruit les pagodes bouddhistes quels qu’aient été leurs changements de religions. Les musulmans ont laissé intactes les grandes pyramides d’Égypte ou les splendides vestiges des anciens cultes de Syrie. Commes les chrétiens l’ont fait lorsque les armées napoléoniennes l’ont conquise.
De la même façon, lorsque des religions réclament, par exemple, la suppression des crèches de Noël au motif qu’il s’agit d’une manifestation visible du catholicisme rompant l’égalité, ou que certains laïques extrêmistes font la même demande au motif que c’est une atteinte au principe de neutralité de l’État, c’est là encore un sophisme: il s’agit de la perpétuation de traditions laïcisées, qui unissent la longue suite des aïeux du peuple français qui se sont réunis et réjouis dans des festivités qui nous unissent aujourd’hui encore à eux. Par ailleurs, c’est une constante anthropologique (qui transcende d’ailleur le temps comme la géographie) que de respecter le patrimoine, les us et coutumes des pays d’accueil. Pourquoi serait-elle spécifiquement rompue au XXIe siècle, et uniquement dans les démocraties occidentales? Et qu’est-ce qui justifierait cette violation unilatérale d’une règle par ailleurs universelle de l’humanité?
Les revendications des intégrismes religieux qui sont nées ces dernières années dans toutes les démocraties occidentales à la faveur des mouvements de population se nourissent au delà du flou savamment entretenu entre les concepts de laïcité à la Française, et ceux de sécularisme (souvent improprement traduit par le terme de laïcité) qui sont leur pendant, en particulier dans les pays de tradition anglo-saxonne et protestante. C’est ainsi que naissent régulièrement des polémiques sur l’habillement spécifique à tel ou tel culte (recouvrant des préoccupations politiques intégristes sous des arguments invoquant la « liberté » du modèle américain) qui sont, nous venons de le voir, en contradiction totale avec les fondements mêmes de notre modèle universaliste. La liberté des uns commence là où s’achève celle des autres. C’est ainsi que la liberté conférée à tout français de choisir librement son culte est supérieure à la liberté individuelle de revendiquer son culte pour soi et pour les autres. Car dans un cas c’est une liberté acquise par tous, dans l’autre un obstacle à la liberté du plus grand nombre. La liberté, c’est créer les conditions qui permettent à la majorité des citoyens, considérée dans une optique universaliste, d’avoir le choix.
Toutes ces discussions, qui prennent parfois un tour passionné et passionel dans le débat, naissent cependant en dernière analyse d’une méconnaissance (savamment entretenus par les intérêts anglo-saxons autant que par les intégrismes religieux) de la distinction entre la tradition française, et le modèle anglo-saxon et protestant qui lui est radicalement opposé.
1 « Pape Clément, roi Philippe, Chevalier Guillaume, avant qu’il soit un an, je vous cite à comparaître au tribunal de Dieu ! Maudit ! Maudit ! Soyez maudits jusqu’à la septième génération ! ». C’est autour de cette phrase que se tisse le mythe de la malédiction des Templiers.
2 Avec d’autant plus de facilité qu’il a conquit Rome, et que le pape est en son pouvoir.
3 Fac similé du texte original de 1958. https://www.legifrance.gouv.fr/Media/Droit-francais/Constitution/Constitution-du-4.10.1958
4 Par ailleurs inspirés du radicalisme Hébertiste de la Révolution Française qui épouvanta Robespierre et Danton eux-mêmes.
5 Tiré de la parabole du banquet, de l’évangile de Luc (Luc 14, 12-23, prenant son sens actuel suivant la lecture qu’en fit Saint Augustin, lettre 93 à Vincent.
6 Voir par exemple à ce sujet François-René de Chateaubriand, « Génie du christianisme ».
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